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Jean Marie BUCHOT (Toulouse Triathlon) Champion du Monde Ironman 70.3 « Physically Challenge »

Ce samedi 29 Octobre, c’est dans l’État de l’Utah et plus précisément à Saint George que Jean Marie BUCHOT (Toulouse Triathlon) a une nouvelle fois fait parler de lui en remportant la catégorie Physically Challenge du Championnat du Monde Ironman 70.3. Nous sommes revenus avec lui sur cette performance de premier plan, ainsi que sur sa préparation et ses perspectives pour la suite.

Un grand merci à Jean Marie de nous avoir accordé de son temps précieux et un grand bravo pour sa performance au nom de la Ligue Occitanie de Triathlon.

 

Peux-tu te présenter aux licenciés de la Ligue en quelques mots ?

Je pratique le cyclisme depuis l’âge de 17 ans tout d’abord en tant que cyclotourisme dans une ambiance conviviale puis en compétition. Lors d’un duathlon en 1995 du côté de Nice, je suis tombé en descente de col et je me suis fracturé D7 (7ème vertèbre dorsal). Après ostéosynthèse de 4 vertèbres, j’ai pu reprendre progressivement le sport (paralysie temporaire).  En 1999, j’ai subi un deuxième accident de la circulation en étant percuté par un automobiliste qui roulait trop vite. En conséquence, perte du bras droit, fort handicap du bras gauche (perte du nerf médian, multiples fractures, ..). J’ai accepté cette amputation dès mon réveil à l’hôpital, il m’en faut plus pour me faire « baisser les bras ». Tellement heureux de pouvoir encore courir et profiter de la vie, j’ai repris les compétitions de cyclisme en 2002 en handisport mais le champ de course étant trop limité j’ai poursuivi dans les courses habituelles en 1ère et 2ème catégorie FFC. 2003 fut mon année record avec plus de 33000km parcourus, des victoires nationales et internationales, je m’amusais bien. Suite à plusieurs chutes en compétition, j’ai basculé sur le triathlon avec comme première compétition l’embrunman, j’adore la montagne  !! J’ai été mordu pour l’ambiance et le sport, je suis donc triathlète depuis 10 ans au sein du TOULOUSE TRIATHLON, un club qui adhère à mes principes de partage, convivialité, reconnaissance de l’effort.

 

Champion du Monde Ironman 70.3 le week-end dernier dans l’Utah. Peux-tu nous donner quelques détails de ta préparation à cette compétition ?

Tout d’abord, je tiens à rendre hommage aux autres triathlètes handisports de la compétition à Saint Georges. Il fallait vraiment du courage pour affronter les conditions de froid difficile du matin, une eau à 16.4 °C, une température extérieure de 7 °C mais un ressenti bien plus bas. Nos handicaps étant différents, ils méritent tout autant que moi ce titre de champion du monde et c’est avec un grand honneur que je partage ce titre avec eux. En moyenne, j’effectue entre 20 et 25h de sport par semaine, max  35h en été. La clef de ma réussite réside dans la variété de mes entraînements, l’écoute de mon corps et surtout le renforcement musculaire que j’effectue 3 fois par semaine en salle de sport. C’est indispensable pour lutter contre les déséquilibres causés par l’amputation du bras droit. Côté préparation spécifique, je devais gérer mon activité d’enseignement et de recherche au sein de l’université Paul Sabatier à Toulouse donc j’ai juste travaillé sur des adaptations en fonction du parcours proposé à Saint Georges : plus de travail en côtes, des séances de PMA. Je m’entraîne essentiellement seul pour pouvoir gérer mon planning des cours qui sont répartis de manière aléatoire dans la semaine. En gros levé à 5h, je commence la journée en travaillant, c’est à ce moment que je suis le plus productif,  puis une séance de sport le matin ou je mêle le plaisir de m’entraîner et celui de repenser au travail du matin. Je reprends le travail l’après-midi ou j’enseigne puis une ou deux séances de sport l’après-midi et ou en soirée, c’est plutôt bien rempli !

 

Tu remportes le titre avec une large avance sur tes poursuivants, d’après toi, qu’est ce qui a fait la différence par rapport à tes adversaires ?

En handisport, le vainqueur est dans la plupart des cas celui qui est le moins handicapé ce qui était le cas pour moi dans cette course. Il faut donc relativiser ce titre de champion du monde. En revanche, je n’abaisse pas la performance que j’ai pu produire durant la course, par exemple en cyclisme, je flirte avec les 300W (FTP = 370W) de moyenne pondérée à vélo ce qui reste très honorable par rapport à ce que fait un valide sur un vélo de chrono. J’utilise un vélo classique sans prolongateur du fait de mon handicap et à watts égals je perds énormément de temps sur les portions rectilignes du fait d’un mauvais aérodynamisme. Il faut donc rattraper le retard en côtes d’où mon choix en général de participer à des courses où le parcours vélo est sélectif. La plus grande satisfaction reste la reconnaissance des autres athlètes qui me félicitent après la course. Ils se rendent bien compte de la performance que j’ai réalisée. J’ai donc  une bonne génétique et surtout je m’entraîne régulièrement avec consistance et le plus intelligemment possible. Les nouvelles montres permettent de valider certains entraînements mais je ne suis pas dépendant de ces gadgets, rien ne remplace le ressenti et la connaissance des réactions de son corps. Une part importante de la réussite est liée au mental qui sert avant tout à gérer ses entraînements et pas seulement à se surpasser. J’évite de trop l’utiliser pour pousser la machine jusqu’à ces limites, c’est bien souvent contre productif. Comme me disait Edgard, un sophrologue avec qui j’ai travaillé après mon accident de 99, ta force mentale peut te permettre d’atteindre des niveaux de performance insoupçonnée mais elle peut aussi te détruire, je repense souvent à cela quand je commence à perdre certaines notions sur le corps humain. 

 

On rappelle que tu es quadruple champion du monde de Triathlon avec des titres en 2014 à Hawaii sur Ironman, 2018 sur 70.3 en Afrique du Sud,  Nice en 2019 et le week end dernier sur 70.3 à Saint George.
Quel(s) objectif(s) te fais encore rêver pour la suite de ta carrière que tu n’aurais pas déjà atteints ?

Mon principal problème reste mon autonomie au quotidien. Mon bras gauche se dégrade d’année en année, je perds l’usage de ma main gauche, c’est déjà une victoire de pouvoir continuer le sport à ce niveau. Pourquoi pas me requalifier pour les championnats du monde IRONMAN à Hawaii, toujours en tant que valide comme pour toutes mes qualifications au championnat du monde car seul la catégorie des handbikes propose des slots. Ce n’est pas trop dur, je dois juste reproduire mon niveau habituel en vélo et faire parler mes qualités d’endurance en course à pied. Malheureusement, le coût de l’inscription reste prohibitif, 1600 euros pour Hawaii et 650 euros pour le WC 70.3  auquel il faut rajouter le voyage et l’hébergement. C’est indécent et participe au business IRONMAN qui monte les prix chaque année. Pourquoi prendre le slot alors ? Car une destination comme Saint Georges est exceptionnelle, j’ai pu faire un trail au parc de Zion avec la montée d’Angels landing, impressionnant !! Pour les jeux de Paris, c’est déjà un peu tard, les contraintes financières sont fortes, les aides de la part de la FFT sont quasiment inexistantes, il faut aussi effectuer de nombreux déplacements à l’étranger pour marquer des points, quand est-ce que je travaille ?

 

Paratriathlète depuis de nombreuses années, tu as vu la discipline évoluer au niveau régional et fédéral. Que penses-tu de cette évolution du Paratriathlon en France et de sa reconnaissance aujourd’hui ?

Je ne cours pas en tant que paratriathlète mais en tant que valide donc je suis mal placé pour juger de l’évolution du para triathlon. Il me semble que la médiatisation c’est améliorée mais il reste encore du travail auprès des organisations et du corps arbitral pour la prise en compte des athlètes en situation de handicap (aménagement du parcours, aide extérieure et adaptation propre à chaque athlète). Un dernier point serait celui de la reconnaissance de la performance des personnes en situation d’handicap à l’issue de la course en les appelant sur le podium pour les féliciter.

 

Si tu devais citer une qualité qu’un club doit avoir pour accueillir un paratriathlète, quelle serait elle ? 

Étant donné la variété des handicaps, le club doit avant tout être capable d’adapter sa structure d’entraînement et d’accompagnement. Le côté humain est essentiel et c’est cet aspect qui me semble fondamental.