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TRIATHLON SANTE: comment font ceux qui ne se blessent pas ?

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P
ar F.ANDRE
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membre de la commission médicale de la Ligue, responsable de l’enseignement en kiné du sport à l’IFMK de Toulouse, Diplôme Universitaire de kiné du sport, Titulaire BF5 Triathlon.

En apparence, il semblerait que les triathlètes soient moins sujets aux blessures que d’autres sportifs d’endurance, notamment les coureurs à pied (Coste O., Poux D.). La pratique régulière de plusieurs sports portés (natation et vélo) devrait en théorie diminuer la prévalence des blessures. On sait que les cyclistes souffrent plus particulièrement du dos et des genoux, les coureurs à pied des tendons d’Achille et des périostes, et les nageurs ont des problèmes récurrents d’épaules.

Alors, le triathlon est il un sport à haut risque de blessure?

La participation à une saison de triathlon suppose généralement un entraînement régulier, conséquent en volume. L’étude épidémiologique réalisée en 2008 auprès des triathlètes de la Ligue retrouvait un volume moyen de 9 heures d’entraînement par semaine (Galera O.).

Pourtant, notre vie quotidienne ne nous laisse que peu de temps pour nous entraîner car nous devons gérer la charge quotidienne de nos contraintes professionnelles, familiales … Nous subissons ainsi au cours de l’année un stress tant physique que psychologique et notre organisme doit répondre à ces stimuli de façon individuelle. La vielle croyance du « no pain, no gain » (« sans souffrance, pas de progression ») fait encore des ravages dans le milieu du triathlon. Rentrer dans ce cercle vicieux peut être lourd de conséquences, notamment  en ce qui concerne le risque de blessure, d’autant plus que les répercussions physiologiques (surentraînement) arrivent à retardement et que les indicateurs en sont parfois difficiles à objectiver.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’une grande majorité des blessures pourraient être évitées car elles ont souvent pour origine des erreurs de notre part. Nous allons aborder de manière très succincte les deux plus courantes concernant l’approche de l’entraînement et la souplesse musculaire. Nous aborderons dans un premier temps les paramètres liés à l’entraînement. « Mieux vaut prévenir que guérir »

 

La plannification de l’entraînement : la base de la prévention

L’entraînement n’est pas une science exacte mais davantage un art. La difficulté du triathlète est de progresser dans une discipline sans régresser dans l’autre, les transferts de qualité n’étant pas toujours évidents, même s’ils semblent efficaces entre la course à pied et le vélo (Tabata I.). Dans le cadre de l’entraînement en course à pied, il est fréquent de voir réaliser des séances intenses et longues avec des (micro-)traumatismes importants et répétés au niveau articulaire et tendino-musculaire. Les tendinites, les périostites, en sont les conséquences parfois préjudiciables pour le reste de la saison sportive, rappelant que la planification de l’entraînement doit répondre à un savant dosage entre la charge d’entraînement (intensité, volume …) et les phases de récupération afin de limiter l’apparition de blessures.

Si l’on raisonne en termes de risque micro-traumatique, il semblerait plus cohérent de développer dans un premier temps les qualités physiologiques en vélo et en natation en limitant le temps d’entraînement en course à pied afin de laisser aux éléments ostéo-tendineux le temps nécessaire pour prendre du volume et gagner en résistance, d’où l’importance de l’ancienneté de pratique régulière.

La recherche de l’optimisation de la performance n’est pas nécessairement incompatible avec la prévention des blessures musculo-squelettiques. L’augmentation de la charge d’entraînement ne passe pas obligatoirement par une augmentation du volume d’entraînement mais peut être réalisée en priorisant l’aspect qualitatif des séances à l’aspect quantitatif. Plusieurs études se sont récemment penchées sur les effets très intéressants de ce que l’on a appelé le « nano-entraînement » (Rakobowchuk M.). Ces études semblent démontrer qu’un entraînement à très faible volume mais très haute intensité  permettrait une amélioration non seulement de la capacité anaérobie mais aussi de la capacité aérobie (en endurance) au moins comparable sinon meilleure qu’un entraînement « classique » à moyenne intensité (70% du VO2 Max).

L’entraînement à haute intensité (Sperlich B.) serait le « 2 en un » permettant de diminuer les « longues sorties » principalement en course à pied (et donc leurs conséquences micro-traumatiques en termes de risque de blessure) afin de réduire l’effet « overuse »  (surcharge d’entraînement) (Mujika I.) tout en optimisant la performance sportive. Ce type d’entraînement « à très haute intensité » suppose en toute logique un bilan médical d’aptitude préalable pour pouvoir être abordé en toute sécurité. La réalisation d’une épreuve d’effort maximale couplée à la mesure des échanges gazeux respiratoires, à programmer avec votre médecin du sport habituel, en clinique du sport,  ou sur un plateau médico-technique hospitalier de médecine du sport comme celui de l’hôpital Larrey au CHU de Toulouse, est recommandée et vous permettra de faire le point sur vos capacités actuelles et de guider la planification de vos séances ultérieures en déterminant précisément vos intensités aux seuils, VMA ou PMA….

Une planification correcte de votre entraînement, reposant sur des principes fondamentaux de progressivité, surcharge, spécificité et diversité (varier vos entraînements pour éviter à votre organisme de ronronner et de trop s’habituer !) peut donc participer efficacement à la réduction du risque de blessure.

Ces notions de spécificité et de diversité doivent être appliquées tout au long de la saison au cours des différents cycles de l’entraînement. Spécificité au cours de la saison puisque l’on va développer dans un premier temps les qualités d’endurance puis de VMA et finir par un travail au seuil. Diversité de par les différents terrains d’entraînement  (de la piscine vers la natation en eau libre) mais aussi dans les enchaînements.

Chaque séance doit être réfléchie (comment s’inscrit-elle par rapport aux séances immédiatement précédentes et ultérieures ?) mais surtout doit respecter les fondamentaux: échauffement (Galera O.), hydratation, retour au calme et nutrition adaptée permettant le phénomène de surcompensation énergétique et de réparation tissulaire. N’hésitez pas à demander conseils aux encadrants BF5, BF4, etc … de votre club.

En résumé, il est préférable de privilégier l’aspect qualitatif plutôt que quantitatif. Ceci est d’autant plus vrai que les disponibilités liées aux obligations familiales, professionnelles … réduisent les créneaux d’entraînements possibles … et la qualité des phases de récupération.

Il est ainsi bien reconnu qu’une bonne planification de l’entraînement est un facteur important afin de limiter le risque de blessures. Mais ce n’est pas le seul, nous pourrions y ajouter d’autres paramètres comme la souplesse musculaire, la technique et une bonne hygiène de vie. Ces thèmes pourront faire l’objet de prochains articles.